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Les travailleurs de l’ombre de la culture sont indispensables. Ne les oublions pas !

Je souhaiterais ici mettre en lumière la diversité des métiers de la culture. Au-delà des artistes eux-mêmes, le secteur culturel regorge d’une multitude de métiers qui sont bien moins exposés. Ces «travailleurs de l’ombre», comme ils se définissent eux-mêmes, sont indispensables. Sans eux, rien ne serait possible. Ils sont machinistes, éclairagistes, costumiers, chefs de salle, scriptes, paroliers, illustrateurs, ingénieurs du son, attachés de presse, organisateurs d’événements, etc.

Des représentants de ces acteurs culturels ont récemment lancé un manifeste intitulé «Your culture, our future» pour rendre visible leur situation difficile. Tous ces métiers sont fortement touchés par la mise à l’arrêt, depuis la mi-mars, de la totalité ou presque des activités culturelles. Depuis lors, ils sont des dizaines de milliers à être confrontés à une chute de revenus brutale et colossale. Les sociétés spécialisées dans l’organisation d’événements sont, elles aussi, évidemment, fortement touchées. Tous ces corps de métiers moins visibles, mais qui constituent des maillons essentiels de la vie culturelle interpellent les décideurs politiques. Que peut-on leur répondre ? Le gouvernement a déjà instauré plusieurs mécanismes d’aide en faveur du secteur culturel. D’autres l’ont fait aussi, que ce soit au niveau fédéral, régional et même provincial. Quelles sont précisément les aides que pourraient solliciter ces «travailleurs de l’ombre» de la culture ? Comment le gouvernement perçoit-il la situation des opérateurs culturels non subventionnés ? Leur statut semble les mettre «hors des radars», ce qui les empêche de pouvoir prétendre aux aides allouées au secteur culturel. Que penser de cette situation ? Ne devrions-nous pas considérer que la crise actuelle devrait nous amener à entamer une réflexion sur cette différence entre culture subventionnée et culture non subventionnée ?

La province du Brabant wallon va investir un million d’euros dans la culture. Concrètement, elle souhaite proposer une programmation culturelle en plein air, dans les villes et les villages du Brabant wallon, et ce, bien évidemment dans le respect des mesures édictées par le Conseil national de sécurité (CNS). Au programme,sont prévues des démonstrations artistiques des arts de la rue, des expositions temporaires, des représentations de musiciens et des groupes de théâtre, etc. L’objectif est de permettre à quelque 250 artistes brabançons, toutes disciplines artistiques confondues, de se produire dans une cinquantaine de lieux. Ce projet de déploiement culturel vise en même temps à la relance économique et touristique de l’ensemble de la province. Y a-t-il d’autres initiatives similaires dans d’autres provinces ?

Je suis intervenu en commission auprès de la Ministre Bénédicte Linard afin de l’interroger sur ce sujet. Voici sa réponse :

La fragilité de la situation ainsi que la précarité de nombreux travailleurs de la culture pendant la crise du Covid-19 me préoccupe particulièrement, quel que soit le secteur dont ils sont issus. Les nombreuses concertations renforcées qui ont eu lieu pendant la crise et le confinement avec les fédérations et acteurs de terrain ont permis d’apporter les premières réponses en Fédération Wallonie-Bruxelles. Cependant, la poursuite des travaux de la conférence interministérielle (CIM) de la Culture qui a commencé à se réunir a du sens en vue de remplir certains objectifs. En revanche, la question du statut social et fiscal des artistes, ainsi que celle des revenus de remplacement de ces travailleurs ne concernent pas mon domaine de compétences. Depuis le début de cette crise, je n’ai de cesse de relayer vers le niveau fédéral les interpellations des artistes, mais également de tous les métiers moins visibles du secteur de la culture. Effectivement, ceux-ci n’en constituent pas moins autant de maillons essentiels de la vie artistique.

Vendredi prochain, le niveau fédéral auditionnera le secteur en commission des affaires sociales. Ce sera un moment important qui permettra de mettre en évidence les urgences et de préparer l’avenir. Ce sera l’occasion, pour les opérateurs de terrain, de faire part aux parlementaires fédéraux des difficultés qu’ils rencontrent et des solutions qu’ils envisagent : année blanche en ce qui concerne l’accès et le renouvellement du statut d’artiste, possibilité de cumul des droits d’auteurs avec les allocations de chômage, aménagement du chômage temporaire, accès au chômage temporaire qui n’existe pas pour tout une partie du secteur culturel, création d’un véritable statut d’artiste. Je suivrai ces auditions avec attention et j’espère qu’elles aboutiront à une réelle prise en considération de ces difficultés. J’espère que ces auditions permettront à l’ensemble des parlementaires de cette commission de mettre le doigt sur les difficultés rencontrées afin d’apporter des réponses. Les mesures de soutien au secteur culturel décidées par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles permettent d’aider des associations et des institutions qui emploient certains de ces corps de métiers ou les soutiennent par le biais de contrats temporaires. Cependant, elles ne permettent pas de venir directement en aide aux personnes, et donc à ces «métiers de l’ombre» en particulier.

En effet, cela ne relève pas des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Aussi, l’une des balises pour l’accès aux mesures de la Fédération par les opérateurs culturels a été le maintien de la rétribution des prestataires finaux, pour les événements et activités qui ont dû être annulés en raison des mesures sanitaires. Cette balise assure donc un soutien indirect de la Fédération à ces métiers. Les politiques culturelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles reposent notamment sur un principe de subsidiarité. En d’autres termes, elles ne viennent pas en aide aux initiatives qui peuvent se déployer sans son concours, mais elles se concentrent sur le soutien aux projets qui ne seraient pas viables sans intervention publique, et ce, en vue d’assurer le maintien et le développement de la diversité culturelle qui est essentielle. Dans les domaines artistiques, les législations et les aides octroyées par la Fédération Wallonie Bruxelles visent à soutenir la création, les écritures et les formes d’expressions artistiques contemporaines. Il en va d’un choix opéré par le législateur. Les opérateurs non subventionnés vivent aujourd’hui des situations très difficiles, de même que bon nombre d’opérateurs qui bénéficient d’une subvention. Tout dépend du montant de l’aide qui leur est accordée, des autres types de ressources disponibles et de la perte de recettes subie en raison de la crise. La Fédération Wallonie Bruxelles n’est d’ailleurs pas la seule à octroyer des subventions. Un opérateur ou un acteur culturel peut être soutenu à la fois par la Communauté française dans le cadre de ses politiques culturelles, et par d’autres pouvoirs publics dans le cadre de leurs compétences propres.La réalité n’est donc pas univoque et tout n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît au premier abord, mais je vous sais averti de cet état de fait.

La Région de Bruxelles-Capitale annonçait, il y a une dizaine de jours, le déblocage d’un fonds de 8,4 millions d’euros permettant notamment d’octroyer une aide exceptionnelle aux travailleurs intermittents de la culture. Ce fonds doit être réparti entre la Commission communautaire française (COCOF) et la Région de Bruxelles-Capitale selon des montants qui leur sont propres. D’autres initiatives des pouvoirs publics, prises à d’autres niveaux, anticipent le redéploiement et on ne peut que s’en féliciter. Le projet de la province du Brabant wallon est positif. Espérons qu’il donnera un coup de pouce au redémarrage des activités culturelles cet été, au bénéfice des artistes et des travailleurs de la culture, mais aussi des publics et de l’exercice de leurs droits culturels. Le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne sera pas en reste. Je lui proposerai prochainement d’adopter plusieurs nouvelles mesures. Les modalités les plus adéquates du soutien au redéploiement du secteur pour les années à venir sont actuellement à l’étude. Un groupe consultatif d’experts du secteur commence à s’y atteler.

Je remercie Madame la Ministre pour sa réponse. Nous pourrions évidemment en parler toute la journée, tant ce dossier est complexe et présente des situations variées. Soyons clairs : nous attendons la création d’un véritable statut d’artiste depuis 40 ans. La responsabilité est collective. Les responsables politiques des différents niveaux de pouvoir se renvoient la balle depuis des années. Les acteurs culturels veulent des réponses. Je suis par ailleurs préoccupé quant à la situation des opérateurs qui ne sont pas subventionnés. Ils vivent une situation difficile : alors que tout est à l’arrêt, ces derniers ne reçoivent pas de compensations financières de la part de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Malgré leur succès, ils sont également dans la misère. Or, ils ne valent pas moins que ceux qui bénéficient de subventions.

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