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À qui la priorité dans les crèches à Bxl.

La réforme «MILAC» fait l’objet d’une nouvelle polémique : l’article 52 de cette vaste réforme prévoit que le pouvoir organisateur peut accorder une priorité pour les demandes d’accueil «qui émanent de parents dont l’un au moins habite, travaille, suit une formation sur le territoire de la commune concernée ». Certains mandataires locaux bruxellois s’inquiètent du risque que cette mesure, qui met sur un pied d’égalité parents résidents et navetteurs wallons, engendre une demande trop importante de la part des navetteurs wallons travaillant à Bruxelles. Ils craignent, à terme, une pénurie de places d’accueil pour les Bruxellois. Rappelons que cette disposition, lancée par Alda Greoli, avait pour but de gommer les discriminations entre francophones sur la base de la seule résidence.

Dans un entretien accordé au journal «Le Soir», le porte-parole de la Ministre Bénédicte Linard a sagement précisé que «priorité ne veut pas dire exclusivité ». «Les communes auront le choix », at-il ajouté. «Si elles veulent prioriser leurs habitants, elles peuvent le faire, mais elles peuvent aussi prioriser les navetteurs. » De nombreux habitants du Brabant wallon travaillent à Bruxelles et sont donc particulièrement concernés par cette nouvelle disposition, qui permettrait d’apporter de nouvelles solutions à bon nombre de familles et, dès lors, davantage de souplesse dans l’organisation familiale. Il y a donc là des avantages très concrets pour celles et ceux qui doivent organiser la garde de leurs enfants, qui viennent de communes extérieures à Bruxelles et qui travaillent dans la capitale.

  • Comment envisager concrètement la mise en œuvre de cet article 52 ?
  • Comment concilier les deux logiques qui s’affrontent ?
  • Que répondre aux élus, comme Mme Maison, qui entendent réserver les infrastructures qu’ils financent à leurs habitants ? À titre personnel, ce raisonnement me semble dangereux, et les propos que vient de tenir Mme Maison me font bondir.
  • Est-il possible d’évaluer le nombre de communes ou de structures qui souhaiteront prioriser leurs habitants ?
  • Disposons-nous d’informations à ce sujet ? À lire la presse et à entendre ma collègue, je crois comprendre que pas mal de communes bruxelloises risquent d’avoir ce réflexe.
  • Quelles alternatives pourraient être mises en œuvre pour assurer la non-discrimination entre enfants francophones ?
  • Les groupes de travail créés autour de la réforme MILAC pourraient-ils aborder cette question, si ce n’est pas déjà le cas ?

J’ai interpellé la Ministre Bénédicte Linard à ce sujet. Voici sa réponse :

La réforme «MILAC», entamée au cours de la précédente législature, poursuit des objectifs de renforcement de la qualité de l’accueil et de l’accessibilité dans toutes ses dimensions. Les règles d’inscription et les critères de priorité sont des sujets qui préoccupent aussi bien les pouvoirs organisateurs que les jeunes parents. L’article 52 de l’arrêté du 2 mai 2019 fixant le régime d’autorisation et de subvention des crèches, des services d’accueil d’enfants et des accueillant(e)s d’enfants indépendant(e)s définit des critères de priorité que le pouvoir organisateur peut appliquer aux demandes d’accueil qui lui sont adressées. Je tiens à souligner que cette liste de critères constitue une avancée remarquable par rapport aux règles qui étaient en vigueur avant la réforme. Cette avancée ne se situe pas tant dans les critères eux-mêmes que dans l’exclusion faite à tout autre critère que ceux énumérés à l’article 52. Concrètement, il est désormais interdit d’appliquer un critère de priorité aux enfants dont les parents travaillent et d’exclure de facto les enfants de demandeurs d’emploi. Sachant à quel point l’accueil de l’enfance est un piège à l’emploi et un facteur de discrimination pour les femmes, ceci constitue un progrès majeur.

La possibilité pour les pouvoirs organisateurs communaux de donner une priorité aux parents dont l’un au moins habite, travaille ou suit une formation sur le territoire de la commune concernée suscite effectivement l’inquiétude de certains mandataires. J’entends leurs craintes et je pense que nous devons les rassurer. Les auteurs du texte n’avaient d’autre intention que d’empêcher la dissociation des éléments contenus dans les priorités visées à l’article 52. Autrement dit, le but était qu’une commune ne puisse pas octroyer à ses habitants une priorité à l’inscription dans ses crèches sans aussi en faire bénéficier les personnes travaillant ou suivant une formation sur son territoire. Toutefois, sur le plan juridique, deux lectures sont possibles et rien n’interdit formellement à un pouvoir organisateur communal de réserver une priorité à ses seuls habitants. Pour ma part, il m’importe d’analyser cette question au départ de l’intérêt supérieur de l’enfant, principe fondateur de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Du point de vue de l’enfant, la proximité du lieu d’accueil avec son domicile devrait être privilégiée autant que possible, en ce qu’elle évite l’inconfort causé par des trajets prolongés et parfois laborieux. De plus, elle permet à l’enfant d’être déposé ou repris par plusieurs personnes de son entourage et de fréquenter son lieu d’accueil même lorsque le parent ne se rend pas sur son lieu de travail ou à sa formation. D’un point de vue environnemental, ce principe en faveur de la proximité du domicile s’impose également comme une évidence.

La réponse aux préoccupations de certains pouvoirs organisateurs doit s’inscrire dans un contexte global de construction d’une politique d’accueil ambitieuse pour les jeunes enfants et leurs familles. Conformément à la Déclaration de politique communautaire (DPC), mon intention est de répondre aux préoccupations majeures que sont la lutte contre la pauvreté infantile, l’accessibilité à toutes et tous, l’intégration des questions environnementales et la création de places. Ces dernières doivent surtout être créées là où les taux de couverture sont les moins élevés tout en tenant compte des situations familiales spécifiques telles que les familles monoparentales.

Une part non négligeable des coûts des crèches communales repose sur les finances de la commune et donc sur les impôts payés par ses habitants. Néanmoins, lorsque la Fédération Wallonie-Bruxelles investit prioritairement dans certains bassins pour accroître le taux de couverture, elle ne tient pas compte de la contribution de chacun aux impôts, mais bien des besoins. Si les préoccupations des communes sont légitimes, il convient de ne pas perdre de vue ce principe de solidarité. En outre, dans le cadre des concertations relatives à la réforme «MILAC», je suis particulièrement attentive à la prise en compte de son impact sur les pouvoirs locaux. L’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW) et Brulocalis (Association de la ville et des communes de la Région de Bruxelles-Capitale) ont ainsi été invitées à chacun de nos chantiers. Les deux associations ont relayé la crainte, d’une part, d’un report de charge sur les communes si des places venaient à disparaître à cause de la réforme et, d’autre part, d’une augmentation des coûts liée aux nouvelles exigences de formation. Elles ont également soulevé la difficulté d’interpréter clairement l’article 52 de l’arrêté du 2 mai 2019.

L’Office de la naissance et de l’enfance (ONE) n’est pas en mesure de communiquer des statistiques précises sur les choix posés actuellement par les pouvoirs organisateurs quant à ces critères de priorité. Néanmoins, nous savons que les attitudes varient d’un pouvoir local à un autre. Dans ce contexte, il conviendra de clarifier cette règle de manière à ne laisser aucun flou sur les priorités à l’inscription, mais une telle clarification est inenvisageable sans une objectivation de la situation des navetteurs. Mon cabinet a pris contact avec Brulocalis afin d’avoir une vue plus précise de la problématique, et un groupe de travail réunissant les échevins concernés sera prochainement organisé en vue de dégager une solution collective.

Je remercie la ministre pour sa réponse.

Le principe de solidarité entre francophones est important et il convient de se méfier du repli sur soi. Certains des propos tenus par les uns et les autres me font un peu peur. Je peux comprendre les craintes ainsi exprimées, notamment lorsqu’il est question de l’intérêt de l’enfant, celui-ci n’est pas forcément synonyme de proximité entre le milieu d’accueil et le domicile. Nous devons tenir compte des deux points de vue en présence, sans oublier la situation des navetteurs. À ce propos, je rappelle qu’il n’y a pas que des Wallons qui se rendent à Bruxelles pour travailler ; l’inverse est vrai aussi. De nombreux Bruxellois quittent la capitale pour aller travailler, par exemple, dans le zoning de Wavre ou à proximité de Louvain-la-Neuve. Prenons donc bien garde de ne pas nous engager sur une voie qui mettrait en péril la solidarité intrafrancophone.

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