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L’impact des titres et chapeaux d’articles de presse sur les réseaux sociaux.

Cette problématique est complexe, il n’y probablement pas de recette miracle. Je commencerai par préciser que, bien entendu, l’information a un coût et la qualité se paie. Il est donc tout à fait légitime et pertinent que les éditeurs fassent payer les internautes qui souhaitent bénéficier d’une information «sourcée», recoupée, mise en contexte, décryptée, expliquée, produite par des journalistes professionnels qui respectent une déontologie.

Sur le site des différents médias, nous trouvons de nombreux articles dont les non-abonnés ne peuvent découvrir que le titre et la première ligne. L’objectif des éditeurs est évidemment de pousser les lecteurs à souscrire à un abonnement, mais ce système, que je ne remets pas en question dans l’absolu, comporte des effets pervers, et non des moindres. Bien souvent, les internautes qui n’ont pas les moyens de s’abonner aux différents médias se limitent à la lecture des quelques lignes accessibles gratuitement. Parfois, celles-ci ne sont qu’un titre, partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux. L’information est donc réduite à un titre.

Un titre permet seulement d’accrocher le lecteur, de lui donner envie de poursuivre sa lecture. Bien souvent, il ne reflète pas la réalité décrite dans l’article. Notons que, dans certains médias, une personne spécifique, qui n’est pas forcément le journaliste, est chargée de trouver le titre des articles. Combien de fois n’ai-je pas été confronté à un titre énigmatique, dont je me rends compte qu’il n’est pas révélateur lorsque j’accède à l’intégralité du document  ! Ce constat est problématique, car bon nombre de citoyens ne s’informent que sur les réseaux sociaux. En réalité, ce sont les seniors, et non les jeunes, car ils ont quitté Facebook, qui sont les plus perméables aux fake news.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) parle d’infodémie. Il conviendrait de mener une réflexion à ce sujet avec les éditeurs. Que penser de cette pratique de plus en plus courante sur internet ? Ce genre de pratiques ne favorise-t-elle pas la propagation de fake news, de fausses nouvelles  ? Ne pourrait-on pas imaginer un code de bonne conduite destiné aux éditeurs de presse pour éviter ce phénomène ?

Voici la réponse de la Ministre Bénédicte Linard à mes questions :

Même si ce n’est pas la norme, doter un article d’un titre sans nuances suscitant l’indignation ou, de manière plus positive, la curiosité afin de pousser le lecteur ou la lectrice à acheter une publication est une pratique antérieure aux réseaux sociaux. Il arrive d’ailleurs que les titres ne soient pas ceux proposés par les journalistes qui ont écrit l’article. Les réseaux sociaux ont sans doute amplifié cette pratique en vue notamment d’obtenir un engagement de l’audience par le biais des commentaires ou des partages. Ce sont les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre dans la propagation des fake news. On cherche à parler aux tripes du public plutôt qu’à sa raison. C’est pourquoi, il importe de mettre en pratique la Déclaration de politique communautaire (DPC): «Le Gouvernement veillera à offrir à tous les élèves et étudiants, dès leur plus jeune âge, une éducation solide et critique aux médias et au décodage de l’information, avec une attention particulière aux nouveaux supports comme les réseaux sociaux ».

Des initiatives en ce sens ont déjà été prises, comme les opérations «Ouvrir mon quotidien » ou «Journalistes en classe ». Il faudra toutefois intensifier les efforts et, en particulier, cibler les adultes. On sait par exemple que les seniors partagent jusqu’à six fois plus les fake news que les jeunes. Il faudra sensibiliser chacune et chacun à l’importance de disposer, éventuellement en vue de la transmettre, d’une information fiable et recoupée. Soutenir un journalisme de qualité est aussi une manière de promouvoir une information de qualité et de lutter contre les fake news. La qualité d’une information dépend fortement du travail qui la génère. Les informations de qualité qui circulent ont donc une valeur ; il s’agit de rétribuer justement leurs auteurs pour ce travail, ce qui implique une forme de paiement de la part des lecteurs, à l’exception notable de l’information diffusée par le service public, puisqu’elle est principalement financée par la collectivité. Ces éléments de réflexion font aussi partie de l’éducation aux médias.

Un plan consacré à l’éducation aux médias est en cours d’élaboration, en concertation avec mes collègues du gouvernement. Je tiens également à établir un lien avec le journalisme constructif, qui prend petit à petit sa place. À partir du moment où l’on pratique le journalisme constructif, le titre est plus en phase avec le contenu de l’article, car il perd son caractère aguicheur. Les éditeurs de presse sont aussi conscients de cette réalité et, par exemple, de la tendance à attirer les jeunes vers des articles payants pour en faire les lecteurs et lectrices de demain. Par contre, leur pouvoir d’achat est très réduit. Il conviendrait donc de mener une vraie réflexion à ce sujet. Ne pourrait-on pas prévoir une sorte de package donnant accès à un certain nombre d’articles, quel que soit le média  ? Il s’agit d’une piste, mais sa mise en œuvre est compliquée, car il faut pouvoir cibler les publics. Les éditeurs de presse réfléchissent aussi à la question. Ils veulent continuer à aller chercher des publics, par le biais des versions papier ou numériques, en tenant compte de la qualité de l’information, qui nécessite une rémunération de la part des lecteurs et lectrices. Évidemment, la déontologie journalistique, selon laquelle un titre doit aussi être un gage de qualité de l’information, doit également entrer en ligne de compte.

Je suis satisfait de la réponse de Madame la Ministre et je l’en remercie. Nous nous retrouvons sur bien des points.

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