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Supports de cours édités: des abus ?

22 mars 2016

Essentiels pour les étudiants de l’enseignement supérieur, les supports de cours peuvent néanmoins constituer un coût important. En effet, depuis quelques années, on constate une pratique croissante: celle de l’édition par les professeurs de livres comme supports de cours. Dans une question adressée au Ministre de l’enseignement supérieur, je m’inquiète des risques d’abus de cette pratique.

Découvrez ci-dessous mon intervention.

Question de M. Olivier Maroy à M. Jean-Claude Marcourt, vice- président, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Mé- dias, intitulée «Supports de cours édités»

M. Olivier Maroy (MR). – Essentiels pour les étudiants de l’enseignement supérieur, les supports de cours peuvent néanmoins constituer un coût important. En effet, depuis quelques années, on constate une pratique croissante: celle de l’édition par les professeurs de livres comme supports de cours.

Si je n’ai rien contre le principe même d’éditer des livres qui peuvent servir de supports pour les étudiants, à condition qu’il y ait une ré- elle plus-value pédagogique, je constate que cela peut faire monter en flèche la facture: 30, 40 ou 50 euros pour un livre contre moins d’une dizaine pour un syllabus imprimé.

En mars 2015, vous aviez qualifié cette situa- tion de «problématique». De même, dans votre décret «Paysage», vous annonciez vouloir lutter pour un accès plus égalitaire des supports de cours pour les étudiants. Pourriez-vous me dire quelle est l’évolution de votre réflexion et de votre tra- vail à ce sujet?

Les étudiants boursiers de 1er et 2e cycle qui en font la demande peuvent bénéficier gratuite- ment des supports de cours relatifs à leurs cursus, mais sans préjudice des dispositions relatives aux droits d’auteurs. La problématique se situe donc bien au niveau des livrés édités.

Au-delà même du principe de l’édition, j’ai eu vent de certaines pratiques abusives où, par exemple, un professeur obligeait à l’achat d’un livre comme support pour n’en utiliser que quelques pages durant l’année. Il n’y a évidem- ment aucune plus-value pédagogique ici et le seul but de la vente est évident.

Envisagez-vous de légiférer ou d’organiser une circulaire à ce sujet pour éviter les abus? Si oui, quelles sont vos pistes de réflexion?

M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. – Le décret du 19 juillet 2010 a consacré deux avancées majeures dans les droits des étudiants. La première a trait au coût direct des études puisque ce décret «Démocratisa- tion» a gelé le minerval complet, diminué le taux du minerval dit «intermédiaire» et supprimé le minerval pour les étudiants bénéficiaires d’une allocation d’études. La seconde avancée touche aux supports de cours à destination des étudiants.

Le mécanisme a été renforcé par le décret du 6 octobre 2011 et confirmé par le décret «Pay- sage» qui comprend effectivement des mesures garantissant l’accès aux supports de cours, contri- buant ainsi à la démocratisation de notre ensei- gnement supérieur.

J’aimerais attirer votre attention sur l’ensemble de ce dispositif. Chaque établissement est tenu de mettre sur son site intranet la liste des supports de cours. Celle-ci est fixée par l’organe ad hoc, à savoir le Conseil pédagogique en haute école, le Conseil de gestion pédagogique en école supérieure des arts et l’organe chargé de l’organisation pédagogique en université. Au sein de ces différents conseils siègent des représentants étudiants qui peuvent apprécier cette liste.

Le décret prévoit que la mise à disposition des supports de cours soit effective au plus tard un mois après le début des apprentissages. Si leur contenu peut être modifié en fonction de l’évolution de l’enseignement, ils doivent être mis en ligne au plus tard six semaines avant l’épreuve d’évaluation. Il y a dans le dispositif adopté par le législateur un lien étroit entre les supports de cours et les épreuves d’évaluation. En effet, l’esprit était bien celui de mettre à disposition de l’étudiant les contenus nécessaires à son accom- pagnement vers la réussite académique.

J’attire votre attention sur ce mécanisme parce que la pratique d’éditions de cours est une pratique parallèle existant sur nos campus. Il n’est pas de mon ressort d’interdire de telles pratiques. Je ne peux en effet m’immiscer dans le règlement de questions d’ordre pédagogique propres aux établissements. Dès lors, je ne peux confirmer ou infirmer le fait que des enseignants imposent ou recommandent certains ouvrages à leurs étudiants. Toutefois, j’ai souligné le lien entre le support de cours et l’évaluation, car tout support nécessaire à la réussite de l’étudiant doit être considéré comme un support de cours et placé sur la liste adéquate. Lorsque la pratique est celle d’obliger l’étudiant à l’achat de livres édités comme supports, l’enseignant sort du cadre légal. Il est alors de la responsabilité de son établissement et de l’organe qui fixe la liste des supports de prendre attitude. Cela ne m’empêche pas de considérer que les dé- marches mercantiles en question ne sont pas en phase avec l’esprit de la mesure qui se voulait porteuse de démocratisation et d’aide à la réussite pour nos étudiants. Dans le cas qui nous concerne, nous sommes face à une opposition entre droits d’auteur et démocratisation.

M. Olivier Maroy (MR). – Monsieur le Ministre, nous sommes d’accord sur ce point: il y a des abus, et je vous invite à vous y attaquer, même si ce n’est pas chose facile.

Au-delà de l’aspect éthique, c’est aussi un frein à l’accès aux études. Cette pratique semble se développer: j’ai reçu plusieurs témoignages allant dans ce sens. Le décret «Paysage» a certes contribué à améliorer l’accessibilité des études supérieures aux étudiants les moins favorisés. Mais vous n’allez pas jusqu’au bout de la logique. Ne serait-il pas possible, tout en n’interdisant pas le recours à des livres édités, qu’au moins un pourcentage du livre soit utilisé? Utiliser un livre pour n’en valoriser que quelques pages est cho- quant.

M. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et des Médias. – A partir du moment où nous sommes dans un système dérogatoire – non pas un syllabus mis en ligne, mais bien un livre -, le Conseil pédagogique, où les étudiants sont représentés paritairement, doit exiger l’adéquation entre l’utilisation du livre et la nécessité pour l’étudiant de l’acquérir. Les livres scientifiques sont en effet, pour des raisons évidentes, plus oné- reux.

Nous avons demandé au Conseil pédago- gique d’arrêter la liste des cours et de leurs sup- ports. Il doit aussi, le cas échéant, vérifier que le livre ne fait pas l’objet d’une utilisation margi- nale, mais est bien au cœur du dispositif.

M. Olivier Maroy (MR). – Nous sommes d’accord sur le principe. Mais peut-être y aurait-il moyen, par le biais d’une circulaire, de rappeler à ce Conseil pédagogique son pouvoir de mettre fin à ces pratiques douteuses.

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