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LA GESTION DES DÉCHETS LIÉS AUX INONDATIONS.

Dossier très important, qui concerne la ministre de l’Environnement. Suite aux inondations, on le sait, la Wallonie se retrouve avec, dernière estimation, plus de 160 000 tonnes de déchets à gérer. La Province de Liège a particulièrement été touchée. Ces déchets sont transportés sur trois sites. Le principal lieu d’entreposage est cette fameuse bretelle d’autoroute désaffectée de l’A601.

Les images sont impressionnantes, 90 000 tonnes de déchets sur 10 kilomètres. Il faudra neuf mois pour en venir à bout. On voit effectivement l’ampleur de la tâche. Il y a deux autres sites, c’est le Wérihet à Wandre et le site Loiseau à Engis. On réserve trois formes de traitement à ces déchets : le tri, l’incinération et l’enfouissement en centre technique.

Sur base de l’échelle de Lansink et d’une décision du Gouvernement wallon, il a été décidé de privilégier la première option, qui permet de recycler un maximum de matériaux, puis la deuxième, l’incinération, qui permet tout de même une valorisation énergétique, l’enfouissement, la mise en décharge comme l’on disait autrefois, n’intervenant qu’en dernier recours.

Le tri va prendre du temps. Or, il est important de traiter ces déchets le plus vite possible au vu des enjeux en matière d’hygiène, de santé publique. La plupart des déchets sont donc incinérés, mais les incinérateurs sont saturés. Pour le CET de la Province de Liège, lui aussi débordé, une solution a été trouvée avec la Région wallonne. Intradel peut réaiguiller une partie des déchets à enfouir vers le site de Beaumont, près de Charleroi. Par ailleurs, la SPAQuE, qui opère pour toute la Wallonie, a repris la main pour organiser la collecte, le tri ou l’envoi en CET. Elle prépare le cahier des charges pour l’appel d’offres qu’elle lancera normalement prochainement à destination des opérateurs privés intéressés par le tri.

Quelles sont aujourd’hui les priorités en matière de traitement des déchets issus des inondations ? Cela avance-t-il dans le temps imparti ? J’ai noté que, depuis plusieurs semaines, les espoirs en matière de tri et donc de recyclage ont augmenté. Au début, on parlait de 30 % de déchets qui seraient recyclables. On en est aujourd’hui à 60 %. Qu’en est-il ? Peut-on nous en dire plus sur ce fameux cahier des charges à destination des opérateurs privés ? Quels seront les principaux critères de cet appel d’offres ?

Un mot quand même sur une province dont on parle moins, c’est la nôtre. En effet, la Province du Brabant wallon n’a pas été épargnée, notamment à Wavre. Quelles sont les mesures misent en place par la Région wallonne pour traiter les déchets dans la jeune province ?

Voici la réponse de la Ministre Céline Tellier:

Trois jours après les inondations, le 19 juillet, le Gouvernement a, sur ma proposition, pris une série de mesures pour, d’une part, faciliter la gestion des quantités phénoménales de déchets issus des inondations et, d’autre part, réduire les impacts financiers de cette gestion sur la facture des citoyens sinistrés.

Ainsi, le 19 juillet, le Gouvernement marquait son accord pour déroger aux obligations de tri à la source et à l’interdiction de mise en CET de certains déchets, vu le mélange des déchets générés et les difficultés de tri à prévoir.

Ensuite, pour octroyer un premier subside exceptionnel de 5 millions d’euros aux communes et intercommunales en vue de couvrir les multiples surcoûts liés à la gestion de ces déchets. Je rappelle que la gestion des déchets normalement est de compétence exclusivement communale.

Le même jour, je signais pour chaque intercommunale un arrêté de dérogation à l’interdiction de mise en CET de certains types de déchets, en vue d’assurer immédiatement un exutoire pour les déchets mélangés pendant la crise, du moins si le besoin s’en faisait sentir.

Les dérogations, qui expirent le 31 octobre, visaient des volumes limités à 30 000 ou 50 000 tonnes selon les intercommunales. Jusqu’à présent, seule INTRADEL a fait appel à cette dérogation.

Le 28 juillet, quelques jours plus tard, le Gouvernement approuvait l’exonération à partir du 13 juillet de la taxe sur la mise en CET et l’incinération des déchets issus des inondations, dans le but de réduire les coûts à charge des communes et éviter une liaison automatique avec le coût-vérité en matière de déchets et donc ainsi éviter que les citoyens sinistrés ne paient une surtaxe liée à leur facture de déchets.

Le 5 août, le Gouvernement confiait une mission déléguée à la SPAQuE en vue d’assurer la gestion financière des aides que j’ai pu mobiliser pour la gestion des déchets et des contaminations des sols aux hydrocarbures suite aux inondations.

Entretemps et depuis le début de la crise, mon administration a mis en place un suivi des quantités de déchets générés et des coûts prévisionnels y afférents avec l’étroite collaboration – je les en remercie – de la COPIDEC et de la Fédération DENUO, afin de pouvoir objectiver les modes de gestion optimaux à mettre en place.

Comme vous pouvez bien l’imaginer, ce ne fut pas chose aisée de faire remonter et d’analyser toutes les informations utiles en pleine crise et de surcroît en période de vacances.

Par ailleurs, le contexte qui a prévalu jusqu’au 29 juillet était de donner l’absolue priorité aux secours en dégageant les déchets pêle-mêle pour leur faciliter l’accès ainsi qu’à la recherche des victimes et des disparus, le monitoring et le tri sur site des quantités de déchets à évacuer apparaissant dès lors comme bien secondaire face à ce drame humain.

Malgré ces difficultés qui ont perduré jusque début août et les informations multiples en perpétuelle évolution à collecter, mon administration a pu produire en un temps record, une note stratégique sur les scénarios de gestion des déchets à privilégier en se basant sur une estimation suffisamment robuste des quantités de déchets à traiter, des capacités des outils de traitement pouvant être mobilisé et des coûts associés pour faire en sorte d’assurer le meilleur équilibre entre la préservation des riverains, la qualité de notre environnement et une approche la plus pragmatique possible de cette situation exceptionnelle.

Cette note a été proposée le 12 août au Gouvernement qui a définitivement validé les scénarios de gestion des déchets et des terres charriées par les eaux, pour un montant prévisionnel de 30 millions d’euros.

À cette occasion, le Gouvernement a aussi complété le mandat de la SPAQuE qui est devenue adjudicatrice des marchés publics à mettre en place pour traiter cette quantité importante de déchets.

Selon les dernières estimations, les inondations ont généré un volume de déchets ménagers et professionnels en mélange de type « encombrants » de l’ordre de 160 000 tonnes ou 320 000 mètres cubes, soit environ un ordre de grandeur représentant la quantité d’encombrants que nous amenons chaque année au recyparc sur l’ensemble de la Région. Vous imaginez donc que l’on ne peut pas traiter en un mois une quantité aussi importante de déchets sans déstructurer et désorganiser l’ensemble du secteur.

Ce gisement est encore susceptible d’évoluer d’une part parce que des petits sites de stockage sont encore découverts dans l’une ou l’autre commune et d’autre part, parce qu’il ne tient pas compte de l’ensemble des quantités de déchets provenant des opérations de nettoyage des cours d’eau – qui sont toujours en cours – ou des déchets de déconstruction des différents bâtiments.

À ce stade, le gisement estimé se répartit comme suit :
– 145 500 tonnes, soit 90 % en Province de Liège ;
– 8 000 tonnes, soit 4,9 % en Province de Luxembourg ;
– 6 000 tonnes, soit 3,7 % en Province de Namur ;
– 1 750 tonnes, soit 1,1 % en Province du Brabant wallon ;
– 550 tonnes, soit 0,3 % en Province de Hainaut.

À ce jour, sur l’ensemble de ces déchets, environ 20  000 tonnes – 12 % – ont déjà été traitées, essentiellement un pré-tri avant mise en CET ou incinération ou sont en cours de prétraitement.

En région liégeoise, trois principaux sites de stockage temporaire ont été réquisitionnés par les communes ou la province pour accueillir les 160  000 tonnes de déchets avant leur traitement :
– Le site du Wérihet à Wandre qui accueille 30 000 tonnes ;
– Le site de la société Loiseau à Engis qui accueille aussi 30 000 tonnes ;
Le site de l’A601 ; site sur lequel je me suis rendue personnellement vendredi. Je vous avoue qu’effectivement, c’est extrêmement impressionnant de voir ces quantités astronomiques de déchets, de voir aussi, à titre plus personnel, des morceaux de vie qui se trouvent cela et là – jouets d’enfants, sièges de voitures, souvenirs familiaux – et qui accueille aujourd’hui 90 000 tonnes répartis sur deux fois 5 kilomètres. Ce site continue d’accueillir des déchets, mais, à ce stade, il est bien sûr difficile d’obtenir des informations plus précises sur les quantités additionnelles acheminées, vu l’absence de pesée en entrée et en sortie du site. Dès le début des chantiers d’évacuation, la SPAQuE mettra en place un système de traçabilité des déchets permettant un relevé précis des tonnages évacués et traités. C’est un travail, vous vous en doutez, titanesque.

En ce qui concerne les autres provinces :
– en Province de Luxembourg, les déchets en mélange ont été stockés temporairement et prétriés sur les sites de traitement d’IDELUX de Tenneville et de Habay, avant d’être partiellement transférés vers le site de l’A601 pour traitement ultérieur ;
– en Province de Namur, environ un tiers des déchets collectés par les communes sinistrées a été directement acheminé vers des opérateurs privés spécialisés en tri-recyclage. Le solde a été stocké temporairement sur les sites de stockage du BEP, avant d’être pris aussi en charge par la société Bruco, qui trie entre 20 et 30 % des déchets pour les diriger vers des sociétés et des filières de recyclage, pour le bois, le métal, les plastiques durs et les papiers-cartons ;
– dans le Brabant wallon, Monsieur Maroy, les déchets ont été gérés en direct par des opérateurs privés spécialisés dans le tri-recyclage désignés par les communes, ou alors stockés et triés dans le centre de tri de l’lnBW à Mont-Saint-Guibert, avant valorisation énergétique.

Les communes et les intercommunales qui ont pu traiter de manière autonome les volumes additionnels de déchets provenant des inondations peuvent bien entendu déjà prétendre à l’aide financière de la Région, qui a mobilisé un premier montant de 5 millions d’euros.

L’ampleur de la tâche et les moyens financiers nécessaires sont d’un autre ordre de grandeur en Province de Liège, 90 % des déchets qui sont produits. Dans ce cadre, les scénarios de gestion retenus par le Gouvernement sont les suivants, par ordre de priorité :
pour le site du Wérihet à Wandre, l’évacuation du site le plus vite possible, endéans les deux mois et impérativement avant le 31 octobre, afin de supprimer les désagréments subis par les riverains – là aussi, je les remercie vraiment pour leur solidarité face à ce drame important, pour leur patience aussi – et limiter les pollutions éventuelles du sol, puisque les déchets ont été déposés dans l’urgence sur sol nu. L’option de gestion privilégie une mise en décharge partielle après pré-tri et broyage des déchets. Pour ces déchets, le taux de valorisation en matière annoncé par les opérateurs privés est de 30 à 35 %. Il n’est pas possible d’atteindre un niveau supérieur, car les déchets ont déjà en partie été broyés pour gagner de la place. Le cahier des charges pour ce chantier a été publié par la SPAQuE vendredi dernier ;
– pour le site d’Engis, évacuation et traitement des déchets par des opérateurs privés avant la fin de cette année 2021, étant donné là aussi que les déchets ont également été déposés sur sol nu ;
concernant le site de l’A601, qui est le moins impactant tant pour les riverains que pour l’environnement, puisque l’on a une dalle qui existe asphaltée, la durée du chantier est estimée à 9 mois, compte tenu des capacités de traitement mobilisables en Belgique.

Pour ces deux derniers sites, le taux de recyclage des déchets pourrait atteindre 60 à 70 %, d’après les professionnels qui ont fait des visites sur sites pour vraiment pouvoir aussi nous donner les meilleurs conseils dans la façon de gérer tout cela. Les deux cahiers des charges seront publiés par la SPAQuE dans le courant de cette semaine, afin que les opérations d’évacuation et de traitement puissent commencer avant la fin du mois de septembre au plus tard. Je pourrai vous en dire plus sur la destination finale des déchets, une fois que les marchés publics auront été attribués.

Quatre critères sont pris en considération pour attribuer les marchés : – le prix ;
– le pourcentage de valorisation matière des déchets ;
– le respect du planning de travail ;
– le mode de transport employé, la voie d’eau devant être favorisée, pour réduire là aussi les nuisances et le charroi automobile.

Dans leurs offres, les soumissionnaires devront aussi prévoir des capacités de stockage temporaires destinées à accueillir les déchets non recyclables, en attendant leur incinération ou leur mise en CET en dernier recours, qui est prévue pour environ 10 % des déchets non recyclés a priori, vu que les capacités d’incinération actuelles de la Wallonie sont déjà utilisées à 95 %, ce qui est une bonne chose, puisque notre ambition, je le rappelle, dans l’accord de Gouvernement est de réduire ces capacités d’incinération et cette mise en décharge, qui ont été des impacts environnementaux et climatiques importants.

En aval des centres de tri, les filières de recyclage des matières devraient être à même d’absorber les flux de déchets. Le facteur limitant se situera surtout dans les capacités résiduelles dont disposent les unités de valorisation énergétique en Wallonie. C’est pourquoi mon administration a pris contact avec l’association Belgian Waste-to-Energy pour intégrer dans les scénarios de gestion les capacités résiduelles mobilisables dans les unités de valorisation énergétique flamandes et bruxelloises et travailler bien sûr en solidarité interrégionale.

Pour l’essentiel, il s’agira d’installer des caméras de surveillance, de contrôler et réduire les niveaux de bruit – c’est essentiellement au moment de la manipulation des déchets – et d’empoussièrement par arrosage, de limiter aussi les risques d’émanations de composés volatils et d’odeurs avec l’utilisation de brumisateurs mobiles au moment de la manipulation de ces déchets, d’installer aussi des bâches pour réduire les impacts visuels – même s’il y a un couvert végétal majoritairement le long de l’A601, il y a certains endroits où il y a besoin d’installer ces bâches pour réduire l’impact paysager pour les riverains –, de poursuivre les campagnes de dératisation tout au long du chantier et de contrôler la qualité des eaux et des sédiments collectés par le réseau d’égouttage de l’autoroute, en vue de les traiter s’ils s’avèrent contaminés.

Au terme des trois chantiers d’évacuation, les trois sites seront remis en leur état originel, ce qui signifie que l’ensemble des opérations devrait durer environ un an au final.

Je remercie la Ministre pour cette nouvelle réponse très complète et surtout bien articulée qui répond, en ce qui me concerne, aux préoccupations que j’avais pointées. Je tiens vraiment, Madame la Ministre, à souligner votre réactivité et plus globalement celle de l’équipe tout entière du Gouvernement. Parce que certains essayent de faire croire que le Gouvernement n’a pas réagi suffisamment rapidement. J’aurais bien voulu les voir à la place de l’équipe actuelle.

Ce que j’apprécie aussi, Madame la Ministre, c’est l’approche pragmatique, comme vous l’avez souligné, parce qu’il y a des circonstances où il faut savoir mettre ses combats et ses crédos un petit peu de côté. Je dirais qu’à situation exceptionnelle, il faut des réponses exceptionnelles.

Encore une dernière chose. D’abord, ce qui me rassure, c’est que vous avez dit que les filières de recyclage vont pouvoir suivre, parce que c’est très bien de trier, mais si c’est ensuite pour ne savoir qu’en faire et que ce ne soit pas traité, cela ne sert à rien.

La dernière chose, c’est cette préoccupation du Gouvernement de faire en sorte que ce ne soit pas les citoyens et en particulier ceux des zones sinistrées qui voient leur facture augmenter. Je trouve que c’est vraiment une priorité absolue. C’est cela aussi que je voulais dire par l’attitude pragmatique du Gouvernement que je soutiens et que je félicite.

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