Menu

L’infodémie et les fake news liées au covid-19 sont potentiellement dangereuses.

«Nous ne combattons pas seulement une épidémie, nous combattons une « infodémie ». Ces propos sont ceux du directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Par « infodémie », l’OMS entend «une surabondance d’informations, certaines exactes et d’autres non, qui fait qu’il est difficile de trouver des sources dignes de confiance et des conseils fiables lorsque la population en a besoin. » Dans ce contexte particulièrement angoissant, où les citoyens sont à la recherche de réponses à leurs questions, vous aurez sans doute été frappé, voire effaré, par l’avalanche de fake news et autres bobards qui déferlent sur internet et en particulier sur les réseaux dits sociaux. Jamais sans doute la désinformation n’avait atteint de tels sommets. Épinglons notamment les théories du complot sur une possible fabrication du virus comme arme biologique par les Chinois ou les Américains, le probable lien entre le Covid-19 et la 5G, le prétendu cannibalisme des Chinois, l’affirmation erronée selon laquelle l’ail protège du coronavirus, etc. Si certaines de ces fake news prêtent à sourire, elles sont surtout potentiellement dangereuses. Certaines alimentent la xénophobie et d’autres mettent directement la santé des citoyens en danger. Épinglons par exemple l’utilisation de pseudo-médicaments et pseudo-traitements, les pseudo-remèdes, la prétendue immunité obtenue en ingérant certains aliments ou drogues, et j’en passe. Ces désinformations sont dangereuses, car elles peuvent avoir des conséquences dramatiques. Heureusement, la riposte semble progressivement s’organiser.

Les utilisateurs de Facebook qui ont réagi ou commenté une fake news liée au Covid-19 reçoivent désormais sur leur fil d’actualités un message d’alerte renvoyant vers le site de l’OMS. C’est la première fois qu’un réseau social – de surcroît le premier de la planète, avec plus de deux milliards d’utilisateurs – se dote d’un tel mécanisme décliné dans toutes les langues. La plateforme assure par ailleurs avoir intensifié la suppression pure et simple des contenus problématiques. Le problème, c’est que cela prend apparemment 3 semaines en moyenne (d’après une ONG). Facebook n’est pas la seule plateforme à tenter de faire la chasse à la désinformation. YouTube affiche lui aussi un bandeau renvoyant vers le site de l’OMS en dessous de chaque vidéo traitant du Covid-19.

Lors de la précédente réunion de commission il y a deux semaines, la ministre a évoqué les «nombreuses initiatives prises par la RTBF et l’ensemble des médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles » pour lutter contre les fake news. Toutefois, celles-ci n’avaient pas été précisées ni détaillées par faute de temps.

Je suis donc revenu interroger la ministre en commission afin de savoir plus précisément ce qui a été mis en place en Fédération Wallonie-Bruxelles pour gérer cette « infodémie » et lutter contre la propagation de la désinformation durant cette crise du Covid-19. La plateforme Faky de la RTBF a-t-elle été mise à contribution dans ce contexte particulier ? La Fédération Wallonie-Bruxelles ou la RTBF a-t-elle communiqué en direction de la population concernant l’existence de cette plateforme dont on se souvient que les débuts ont été quelque peu agités ? A-t-on constaté une augmentation de l’utilisation de cette plateforme par la population pendant la crise du Covid-19 ? Pour finir, que pouvons-nous penser des initiatives de Facebook et YouTube concernant l’envoi d’un message aux internautes ayant consulté des fake news et les renvoyant vers le site de l’OMS ? Est-ce que ce genre de pratiques pourrait constituer une piste de solution pour lutter à long terme contre toutes les désinformations ? La France et l’Allemagne se sont dotées d’une législation spécifique pour combattre la désinformation. Est-ce la voie à suivre ? Y a-t-il d’éventuelles autres pistes de réflexion ?

Voici la réponse de la Ministre Bénédicte Linard :

Je le répète souvent, les fake news constituent un problème réel et il est absolument nécessaire de les combattre, a fortiori lors d’une crise telle que celle que nous traversons en ce moment. Ce n’est cependant pas au gouvernement d’instaurer des structures pour lutter contre les fake news et « contrôler » l’information. J’utilise ce terme à dessein afin de souligner le paradoxe. L’exemple récent de la France le montre bien : le gouvernement français a dû revenir sur l’initiative «Desinfox Coronavirus » qu’il avait mise en place. Cette page était alimentée par des articles de presse qui vérifiaient des informations autour du coronavirus. Mais les médias dont les articles étaient référencés, à savoir «Le Monde », l’Agence France Presse ou encore France Info ont légitimement estimé que «l’État n’est pas l’arbitre de l’information ». D’après eux, il s’agissait donc d’un mélange des genres qui n’était pas souhaitable. Un premier soutien à apporter en Fédération Wallonie-Bruxelles consiste donc à donner aux rédactions les moyens de valoriser et de soutenir les journalistes et les équipes qui, au quotidien, luttent contre la désinformation et le fléau des fake news. Cependant, la lutte contre les fausses informations passe également par l’éducation aux médias au bénéfice de tous les citoyens, quel que soit leur âge. Cette éducation aux médias fait partie de nos missions et de notre feuille de route. Ce sera clairement un chantier majeur de cette législature. En Belgique, la plateforme Faky est, elle aussi, mise à contribution dans cette crise. Cette plateforme indexe quotidiennement, via des flux RSS, des articles de fact-checking produits par la RTBF ou par des partenaires d’envergure comme France Info, «Le Monde» ou France 24. Entre le 7 avril et le 6 mai, Faky a attiré plus de 2500 internautes, soit quatre fois plus que deux mois auparavant. Enfin, puisque vous me posez la question, je voudrais vous dire que j’ai pris connaissance des initiatives prises par les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Netflix) pour lutter contre les fake news. J’espère que ces canaux de diffusion, qui sont aujourd’hui de grands vecteurs de circulation des fake news, poursuivront leur prise de conscience quant aux responsabilités qu’ils ont et au rôle qu’ils pourraient globalement jouer pour endiguer le phénomène.

Je remercie Madame la Ministre pour ses réponses. En effet, au risque de vous étonner, je suis satisfait, Madame la Ministre. Vous avez parfaitement répondu aux questions que je vous ai posées. Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’État ne doit pas être l’arbitre de la désinformation. Je n’ai d’ailleurs jamais demandé que le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou que la ministre des Médias fassent la chasse aux fake news. Il faut en effet donner aux rédactions les moyens de mener cette chasse. Je veux saluer l’initiative Faky prise par la RTBF. Par ailleurs, le matin, dans la tranche commune en radio, une séquence présentée par Johanne Montay consiste à démonter une fake news. D’autres journalistes de mon ancienne maison sont spécialisés dans le démontage des fake news, comme Himad Messoudi. Je trouve que des initiatives comme celles-là doivent être encouragées. Dans le soutien que la Fédération Wallonie-Bruxelles apportera aux médias, je propose qu’elle prévoie, dans le futur décret sur les aides à la presse, un mécanisme de majoration des aides pour les rédactions qui mettent sur pied en interne un processus de fact-checking et de démontage des fausses infos. Cela pourrait encourager un journalisme de qualité, pédagogique et utile pour la société. En ce qui concerne les initiatives des GAFAM, je ne suis pas un admirateur de ces multinationales auxquelles le PTB semble confier beaucoup d’argent en ce moment. J’espère comme vous que cet effort sera poursuivi. Il est effarant de voir les bobards que les gens partagent. Vous avez aussi raison de dire que ce sont peut-être les personnes un peu plus âgées, comme moi, qui ont le plus besoin d’une éducation aux médias. Les jeunes sont loin d’être idiots et ils maîtrisent généralement beaucoup mieux les codes des nouveaux médias. D’ailleurs, les jeunes ne sont plus sur Facebook. Cette éducation est la clé de beaucoup de choses et nous vous soutiendrons donc à 300 %.

Laisser un commentaire